Meurtre à Tôkyô de Stanley Guy, polar dont l’intérêt principal est de présenter de façon ludique un portrait de la société tokyoite du début des années 1980.
Une intrigue convenue
Cette enquête convenue et peu rythmée commence avec la découverte du cadavre d’un malfrat au petit matin dans les eaux de la Tama. Araki est un journaliste divorcé, buveur et faisant peu de cas des conventions dans une société japonaise extrêmement rigide et codifiée. Il tente de relancer sa carrière au point mort dans un journal à sensation par cette enquête qui le mène dans le monde des yakuzas et du banditisme en col blanc.
Un portrait acerbe de la société japonaise
En effet, cette fiction décrit avec finesse et grande précision les relations sociales au Japon, tant dans la sphère familiale que dans le monde professionnel. Elle pointe par exemple les travers et contradictions qui portaient déjà en germe les névroses et dérives que l’on connait de la société japonaise du XXIème siècle.
Ainsi, ce livre détaille un portrait acerbe et extrêmement bien documenté de la mentalité japonaise. Poids de la hiérarchie, des ancêtres, exclusion de l’étranger, alcoolisme social, prégnance de l’entreprise sur la vie privée… dans un monde où les apparences, l’appartenance et la soumission au groupe sont tout.
Décidément, elle différait du tout au tout non seulement de ses collègues des « affaires d’eau », mais aussi des jeunes secrétaires, contraintes de rivaliser de niaiserie et de timidité afin de ne pas mettre en danger leurs chances de mariage en apparaissant intelligentes ou décidées. Et bien sûr des femmes au foyer, délicats pétales de cerisier vite fanés, innombrables victimes sacrificielles au dieu prospérité.
En effet, le réel intérêt de ce polar est qu’il démontre le prix à payer pour s’extraire de cette existence sociale et mener une vie individuelle à l’occidentale. En cela, ce polar écrit en 1988 traite magistralement des questionnements des Japonais dans les années 80 et 90.
Un univers opaque et ténébreux
Par ailleurs, le livre est bien écrit et les mots conservés en japonais traduits à chaque page n’en alourdissent pas la lecture. Tokyo et les provinces environnantes sont décrites avec précision et emportent le lecteur occidental dans un monde « exotique », opaque et ténébreux qu’il est agréable d’appréhender. L’imagination du lecteur a de quoi se satisfaire et extrapoler.
De plus, l’auteur Stanley Guy a longtemps vécu au Japon ce qui explique les descriptions de paysages et des habitudes des Tokoites si vivants. Ainsi, le narrateur présente les interactions entre les personnages, leurs relations très codifiées dans le détail. Un bonheur pour le lecteur épris d’Asie.
Prenant pour argent comptant les politesses et les mille manières de sauver la face pour lesquelles la langue japonaise a été façonnée et détournée, il était incapable de percer la vraie signification du discours et les intentions réelles de celui qui parlait.
Avis et Note :
Note 3/5 : La lenteur de l’intrigue pénalise ce polar pourtant bien écrit et très détaillé. Les excellentes descriptions réhaussent l’impression générale.
En revanche, pour un polar rythmé et haletant, préférez L’Affaire Alaska Sanders du Suisse Joël Dicker publié en 2022.
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