4270km d’un retour à l’essentiel au milieu de paysages à couper le souffle.
Le sentier des insensés : l’aventure XXL entre vos mains ! C’est la proposition réussie de ce livre. Depuis votre canapé vous traverserez des paysages grandioses et suivrez ce voyage quasi-initiatique dans lequel les difficultés sont telles qu’elles poussent sans cesse à la remise en question.
« C’est parti, la voie grimpe, au même titre que l’adrénaline. Le coeur bat à plein régime dans un mélange d’efforts, d’excitation, de concentration et d’euphorie. Le soleil illumine de plein feu la paroi et façonne des milliers de diamants éphémères qui éclatent sur la surface de plusieurs petits lacs en contrebas. »
(p.63)
Stéphane Cabart est originaire de Savoie et familier de la randonnée en montagne. Il se lance en 2022 le défi d’effectuer le mythique Pacific Crest Trail. Il s’agit d’un sentier de 4270 km reliant la frontière mexicaine à la frontière canadienne en passant par les plus hauts sommets de Californie, d’Oregon et de Washington aux Etats-Unis.
« Installé sur une butte pour la nuit, assis sur un rocher, je dîne avec le coucher du soleil. Quelques heures plus tard, sur ce même rocher mais tourné de l’autre côté, je petit-déjeune avec le lever du soleil. Que demander de plus ?… »
(p.37)
A vitesse d’Homme, le lecteur (re)découvre les rythmes de la nature et l’humble place de l’humain dans ces immenses espaces sauvages. Ce récit est passionnant et riche d’enseignements, notamment en ce qui concerne la préparation du trail – sans être un guide- et la santé mentale nécessaire.
Des paysages grandioses
La Pacific Crest Trail (PCT) est le chemin de tous les extrêmes : 4 270 km de long, 149 000 m de dénivelé positif, plus de 100 cols majeurs, des traversées de déserts arides sous un soleil de plomb, des températures négatives et de sommets englacés à plus de 4 000 m d’altitude… Un décor qui fournit chaque jour de nouvelles cartes postales grandioses, merveilleusement décrites par l’auteur.
« Ici la magie de l’Oregon opère grâce à ses magnifiques prairies garnies de fleurs multicolores. Les ruisseaux coulent délicatement le long des pentes douces des prés verdoyants parsemés de touffus sapins. Les flancs gracieusement incurvés des montagnes, aux nuances de marron et dégradés de gris sous le niveau de la neige, chapeautent ce décor bucolique. »
(p.128)
Le long de ce « sentier des insensés », les paysages très variés s’enchainent et émerveillent. Le marcheur doit composer avec la faune locale parmi laquelle les ours, les loups et les crotales. Ces dangers – et leur caratère aléatoire – le ramènent à sa condition d’humble pèlerin bien impuissant face aux animaux et aux éléments. Une partie de la transformation psychologique s’opère ici : le lâcher-prise est une condition sine qua non du voyage.
La vie autrement
S’engager sur ce chemin implique également d’accepter une remise en question continuelle, aussi bien physique que psychologique. En effet, les difficultés sont telles que plus de 80 % des marcheurs ne parviennent pas au bout du trail.
La question persistente dès l’ouverture du livre est POURQUOI ? Qu’est-ce qui pousse ces 4 000 marcheurs chaque année à se lancer dans cette aventure « insensée » ? La réponse est sans doute un peu différente pour chacun : nécessité de relever un défi personnel, besoin de changement, envie de s’accomplir… L’auteur fournit tout de même une amorce de réponse plus universelle :
« Le PCT offre un autre type de connexion à soi-même, aux autres et à son environnement physique direct, sans réseaux cablés, sans fibres chargées d’informations ultra-rapides et sans ondes invisibles qui sollicitent nos attentions vides d’intention, mais qui nourrissent si bien nos certitudes et nos angoisses dans des schémas devenus stéréotypés et sclérosés. (…) Le tout tout de suite et le tout et n’importe quoi sont évincés par l’instant présent. »
(p.103)
Au delà du rapport au corps et à la nature, cette aventure est également humaine. Une grande solidarité existe entre les marcheurs ainsi qu’avec les locaux, car l’entraide dans ces milieux de grands dangers est indispensable.
Enfin, dans cette marche solitaire, les relations sociales sont cruciales pour garder le moral, maintenir le cap et prendre les bonnes décisions de ravitaillement ou de tracés.
« J’apprécie grandement un retour significatif du social dans l’aventure et mesure, une fois de plus, l’importance des relations humaines. Nous avons tendance à l’oublier dans nos vies quotidiennes. Le Pacific Crest Trail offre, sur un plateau, cette possibilité de prendre du recul et de la hauteur. On perçoit clairement, au même titre, les maux qui rongent et gangrènent nos sociétés dites « modernes », tout comme les abérrations et les non-sens qu’on ne compte plus dans nos vies. »
(p.115)
Le sentier des insensés est le nouvel opus très réussi des récits d’aventures et de voyages publiés par la petite mais décidément qualitative maison d’éditions Unayok. Comme toujours, ce récit a de quoi satisfaire le lecteur avide de sensations fortes, de paysages grandioses et de réflexions existencielles.
J’ai beaucoup aimé ce livre et le recommande aux sportifs accomplis mais pas seulement car au delà de l’exploit sportif, j’ai apprécié les réflexions sur la place de l’Homme dans nos sociétés. Dans ce domaine, j’ai apprécié que le propos ne soit jamais moralisateur ou véhément.
Si vous aimez les traversées de paysages grandioses en slow motion, je vous conseille également Sur les chemins noirs de Sylvain Tesson (2017). Cliquez ici pour en lire la chronique.
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Cette lecture a été effectuée dans le cadre d’un service de presse. Je tiens à remercier l’équipe d’Unayok pour leur confiance renouvellée et pour la découverte de cette nouvelle aventure.
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