Un magnifique hommage à la nature et aux peuples racines
Kukum raconte l’histoire romancée de la grand-mère de l’auteur, en même temps que celle de nombreux peuples amérindiens.
Almanda Siméon, grand-mère -kukum en innu- devenue extrêmement âgée, raconte l’histoire de sa vie au coeur du territoire Innu. Jeune orpheline québécoise, elle tombe amoureuse de Thomas, un Innu. Elle se marie et part vivre dans la forêt sur le territoire Pekuakami (aujourd’hui lac St Jean).
Une ôde sublime à la Nature et aux peuples racines
La première partie du livre décrit l’adaptation d’Almanda, jeune mariée, à la vie nomade. Jeune femme éprise de liberté, Almanda brise les barrières pour suivre Thomas à la chasse et à la traite des peaux. Dans cette partie, les descriptions sont magnifiques. C’est la vie au grand air en harmonie avec les animaux et les éléments.
« Le soleil était encore haut dans le ciel. Une douce brise courait entre les arbres. L’hiver, s’il paraît souvent rude dans le bois, offre parfois en cadeau une de ces journées dorées où la lumière danse sur la neige et réchauffe les corps et les âmes. »
p.118
La narratrice explique les pistes de migration, le flux des rivières, le fastidieux tannage des peaux, le lent travail de tressage de paniers en écorces et le quotidien dans la forêt. Les savoirs des Innus et leur mode de vie respectueux des autres espèces sont passionnants et donnent à réfléchir une écologie du monde aujourd’hui perdue.
« J’arrivais d’un monde où l’on estimait que l’humain, créé à l’image de Dieu, trônait au sommet de la pyramide de la vie. La nature offerte en cadeau devait être domptée. Et voilà que je me retrouvais dans un nouvel ordre des choses, où tous les êtres vivants étaient égaux et où l’homme n’était supérieur à aucun autre. »
p.45
Liberté, culture et destruction
Kukum raconte ensuite l’arrivée des Québécois et l’acculturation forcée qui a commencé avec la dépossession des Innus de leurs territoires par la déforestation massive.
« Dans nos canots, nous étions paralysés par l’effroi. Devant nous, la Peribonka, étouffant sous le poids des troncs, vomissait la forêt dans le lac. »
Plus tard, l’obligation de parler français et d’envoyer les enfants à l’école loin des territoires autochtones a fait partie d’une stratégie d’intégration des Amérindiens au reste de la société, orchestrant ainsi la disparition de leur langue et de leur culture.
« Un autre pont a été coupé entre les générations. Ils ont pensé qu’en les dépossédant de leur langue, ils en feraient des blancs. Mais un Innu qui parle français reste un Innu. Avec une blessure de plus. »
p.193
La nostalgie et l’amour qui se dégagent des paroles de la narratrice sont bouleversants. C’est particulièrement vrai lorsqu’elle raconte les difficultés à élever les enfants dans les réserves. Privés de liberté, les Innus sombrent dans l’acoolisme ou la dépression. Les enfants, pris dans l’étaux de leur double culture, souffrent d’anomie.
« Ces petits grandissent aveugles de leur passé, orphelins de leurs origines. Mais qui ça s’intéresse à tout ça maintenant ? A part les vieux débris comme moi, pour qui le passé constitue l’unique trésor ? »
P.68
A la fin de sa vie, Almanda a conscience qu’un monde et son imaginaire disparaitront avec elle et sa génération. Elle vit dans ses souvenirs, tournée vers le Monde et les personnes qu’elle aimait. La puissance des souvenirs est touchante et permet également de décentrer le regard.
Michel Jean, arrière petit-ils d’Almanda Siméon, livre un récit touchant de la vie de son aïeule. La narration très personnelle, à travers les souvenirs, est particulièrement intimiste et bouleversante.
Michel Jean dit
Kuei. Un grand tshinishkumitin pour vos bons mots qui me touchent beaucoup. Merci de me lire.
michel
Stef dit
Merci d’avoir pris le temps de me lire. La lecture de Kukum a été un grand plaisir ! et de faire vivre ainsila culture innu et l’histoire est précieux.