Un recueil de nouvelles brillant, fait de jeux de mots à l’humour caustique et d’histoires à la chute vertigineuse.
C’est âpre, ça rape, ça fait mal à l’âme et au coeur : c’est l’histoire de la planète Snoc-Sed, double fictif mais bien similaire de notre planète mère.
Un cri d’alarme
Avec une implacable lucidité, Billie Bel dresse un portrait minutieux de la situation. Guilleret voyage en terre minée est un recueil de 30 nouvelles efficaces qui traitent de manière croisée tous les aspects de la menace que représente l’activité humaine pour la planète – et in fine pour elle-même.
Torture et extermination des animaux dans les abattoirs, à la chasse ou à la corrida, épidémie mortelle engendrée par l’Homme, pollution plastique dans les océans, envoie de déchets dans l’espace, pollution atmosphérique, ….
Les chiffres précis Billie Bel avance sur l’état de la planète parlent à tous. Par exemple, le poids du plastique dans les océans serait égal au poids du poisson nageant encore dans 10 ans, si les rejets plastiques continuent au même rythme.
Le coup de génie de ce livre est de conduire une démonstration implacable. Le lecteur sort convaincu de l’urgence à réagir collectivement, avec peu d’espoir néanmoins. En effet, Billie Bel parvient également à exposer les causes profondes qui sous-tendent les comportements de prédation : haine, cupidité, fidélité aveugle à la religion, aux traditions ou aux conventions sociales même lorsqu’elles ne font plus sens, l’égocentrisme, hypocrisie…
« Ne vous étonnez pas, cher lecteur, car sur Snoc-Sed, on embrasse l’égocentrisme à pleine bouche depuis toujours. Ce qui ne parait pourtant guère pertinent.
On avait cru que la petite planète Snoc-Sed régissait le système… Et non.
On avait cru ce divin soleil unique… Et non.
On avait cru la Voie lactée éperduement esseulée…Et non.
On avait cru l’idée d’une vie ailleurs grotesque… Et moi, je crois qu’on est bien peu de choses. »
HISTOIRE 7 : Y’a quelqu’un ? (p.41)
Un humour caustique
La très belle écriture, au style fluide et cyniquement drôle (ou drôlement cynique !), est au service de la démonstration. En effet, à l’instar du titre de ce livre, de nombreux jeux de mots et références parsèment les nouvelles. Utilisant un ton faussement léger de guide touristique, Billie Bel nous entraine visiter cette aberration de la nature. Snoc-Sed malmenée, épuisée et condamnée.
« -Hum… Pourquoi cette mine abattue ? Ils n’auraient pu inverser la tendance, nous le savions depuis longtemps. Des milliards de déséquilibrés en moins dans l’Univers.
-Oui, Général. Cette planète était condamnée.
-Allons, qu’attendez-vous, mon ami ? Allez quérir des verres ! Il s’agit de trinquer ! »
histoire 6 : La Maladie nucléaire (P.39)
Chaque nouvelle assassine fait penser à un épisode de la série Black Mirror et vous laisse assommé. La plupart des nouvelles est bâtie sur des ressorts rhétoriques destinés à choquer l’esprit du lecteur. Identification au sujet et inversion des rôles ou des points de vue : les humains viennent peupler les abattoirs puis les boucheries, « chasseurs sachant chasser », dits « massacreurs de plaisir », eux-même chassés, ect.
La démonstration implacable et incarnée permet de réaliser l’urgence de la situation. Chaque nouvelle prise individuellement est divertissante et intelligente. L’ensemble des nouvelles, mises en parallèle, conduit inévitablement à la conclusion que le comportement de l’Homme le mène à sa perte. La planète devrait survivre. Quant à l’Homme, rien n’est moins sûr.
Je recommande cette lecture utile et agréable. Par contre, anxieux s’abstenir !
Je tiens à remercier les Editions Le Lys Bleu de m’avoir fait confiance et confié cette lecture pour chronique.
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