Un éclairage personnel, inédit et émouvant sur la Guerre du Vietnam, sublimé par de magnifiques illustrations.
Sông [Exister] Un témoignage rare
Ce roman graphique raconte l’adolescence d’une jeune fille dans le maquis de la plaine des Joncs au sud du Vietnam durant la guerre contre les Etats-Unis. En 1969, la jeune Linh fugue et part seule dans le maquis des révolutionnaires du Front National de Libération (FNL), à la rencontre de son père qu’elle ne connait pas. Partie pour un week-end, elle y restera finalement 7 années. Cette belle oeuvre raconte tout à la fois le quotidien de la guerre, le danger, l’engagement, le patriotisme et le communisme de guerre.
Un autre aspect très fort de ce livre est la relation mère/fille vue à travers les yeux de Hai-Anh, l’autrice de ce roman et fille de Linh. Ce récit parle de transmission, d’amour et de la place de l’individu dans une société communiste qui valorise le collectif.
« En écoutant ma mère, j’ai découvert une partie d’elle qui m’était jusqu’alors invisible. »
p.149
Les chapitres sont thématiques. Chacun d’eux met en perspective la vie de la jeune Linh dans le maquis, sa vie d’adulte avec sa fille et son enfance avec sa mère. La narration très dynamique est ainsi construite avec finesse et intelligence.
Des images sublimes et poétiques
Les dessins de Pauline Guitton illustrent avec beaucoup de poésie le texte de Hai-Anh. J’ai particulièrement apprécié la composition équilibrée de chacun, avec un souci permanent de soigner tous les plans.
Pauline Guitton utilise des couleurs vives, profondes et parfois acidulées dans les scènes se passant dans le maquis, puis des palettes de couleurs pastel pour illustrer les scènes en ville. J’ai trouvé dans ce contraste une façon visuelle de souligner l’intensité de la vie et des expériences dans le maquis par raport à une vie plus monotone en ville pour la jeune protagoniste.
De plus, le livre est extrêmement bien documenté. Objets, habits, détails du quotidien y sont représentés avec précision. Le poêle Hoàng Cầm est par exemple un ingénieux système de poêle à bois muni de cheminées souterraines qui évacuent les fumées de cuisson loin du camp. Ainsi , les avions américains ne pouvaient pas repérer les camps du FNL.
« Dans le maquis on dit : « Ne laisse aucune trace, cuisine sans fumée et parle sans qu’on t’entende. »
p.41
Ce roman graphique est une petite perle. Fortes de leur ancrage historique et familial, la narration et l’illustration sont sensibles et poétiques.
J’ai déjà lu Sông plusieurs fois, et j’y découvre à chaque lecture une profondeur supplémentaire.
Ce roman graphique était un de mes coups de coeur 2023 et je suis ravie de le voir sortir en version vietnamienne ce mois-ci.
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Poursuivez la lecture avec une autre plongée en profondeur, dans la société thaïlandaise cette fois, avec Venin de Saneh Sangsuk (2002). La chronique c’est ici !
Amis Saïgonnais, Hai Anh et Pauline Guitton seront présentes au Salon du livre francophone qui se tiendra le Samedi 23 mars 2024 à l’IDECAF (9h00/17h00).
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