Max, étudiant au conservatoire, étouffe dans sa famille bien sous tous rapports, appartenant à une bourgeoisie parisienne presque caricaturale. A défaut de pouvoir prendre son envol, il s’évade grâce à son piano. A 7000 km de Paris, Erden est une jeune fille pétillante et enjouée. Vivant dans la steppe mongole selon le mode de vie ancestral des éleveurs nomades, elle est émerveillée par ce qu’elle perçoit de la vie à l’occidentale. Lorsqu’ils se rencontrent, il leur semble possible de tracer une voie singulière à leurs rêves d’évasion communs…
Une histoire rafraîchissante
Les maux contraites conte une histoire fraîche et distrayante. Les personnages sont crédibles et bien campés. J’ai particulièrement apprécié que la psychologie des personnages ainsi que le fait que leur façon de s’exprimer soit cohérente avec leur âge – assez naïfs et pleins d’espoir – et leur expérience de la vie.
Le roman est écrit à la première personne, et l’alternance de narrateur donne du rythme à l’histoire. Cela permet également de maintenir un petit suspens quant à la vision de chacun sur les événements. Le procédé fonctionne et invite le lecteur à tourner les pages !
Un roman qui fait voyager
Orane Dupont réussit à dérouler une histoire dans les steppes mongoles sans fausse note matérielle. La vie des nomades est décrite avec énormément de détails, jusqu’aux recettes de fromages et de thé confectionnés à base de lait de chèvre ou du jument ! Le rythme quotidien, les paysages, les gers (yourtes traditionnelles), le débourrage des chevaux… tout y est !
Une aventure humaine
Au milieu de l’immensité, tout devient aventure humaine avant tout. Max réalise à quel point il est vulnérable et dépendant du groupe qui l’accueille à la seconde où il voit la Jeep s’éloigner. Cette vulnérabilité, qui se retrouve en plusieurs situations de ce roman, est un concept intéressant et peu étudié en littérature ( en dehors de la récente mode des romans plaintifs et militants traitant de l’emprise psychologique).
Cependant, le poids des traditions et la puissance de la structure familiale même dans des familles très progressistes est occulté, sans doute pour permettre au fil narratif de se dérouler. La force de ce roman est ainsi de porter et de donner de l’espoir, d’offrir au lecteur la satisfaction de le belle aventure.
« Aujourd’hui, chez moi dans la steppe, je fais semblant d’être une fille épanouie, m’empêchant cette fois de faire des rêves trop grands, espérant seulement le bonheur de mes proches tout en étouffant le mien du mieux que je peux. »
Chapitre 18
Mon passage préféré est celui sur le déracinement. La plume d’Orane Dupont rend compte avec justesse de la difficulté de l’acculturation et de l’éloignement des proches et de l’environnement habituel. Ce moment précis, après l’euphorie des départs et de la découverte de la nouveauté, lorsque le cerveau comprend que ce sera ça désormais, rien que ça, et seulement ça… Un sentiment bien connu des personnes vivant loin de chez eux.
« Ma mère n’a rien dit. Elle nous a juste accueillis, moi et mes pleurs. Elle m’a longuement bercée, avec délicatesse, caressant mes cheveux en un geste d’une douceur infinie dont seules les mères sont capables. »
Chapitre 18
Ce roman offre un beau voyage et un agréable moment de lecture. Qui n’a jamais rêvé de s’évader et de disparaitre dans l’immensité ? C’est chose possible avec ce roman. Le roman est très documenté, et l’expérience de psychologue de l’autrice apporte beaucoup d’épaisseur aux personnages.
J’ai lu ce roman dans le cadre d’un SP confié par l’autrice. Je tiens à remercier Orane Dupont pour sa confiance et pour ce beau voyage.
Sur le même thème, j’ai récemment apprécié le roman de Mélissa Da Costa. Les femmes du bout du monde raconte également une recherche de soi-même au bout du monde, la Nouvelle Zélande.
Consultez la critique du nouveau Mélissa Da Costa, Les Femmes du bout du monde ici.
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