Qu’on se le dise, ce n’est pas un livre mais un état d’esprit, un rêve à poursuivre, une philosophie de vie, le goût du risque aussi !
Sur la Route de Jack Kerouac est LE livre référence de la jeunesse américaine des années 1950 et 60 en quête de liberté absolue et en rejet de la société de consommation de masse.
Il s’agit d’un livre-monument qui raconte les voyages trans-continentaux de Sal Paradise, alter-ego de Jack Kerouac, entre 1947 et 1949.
La liberté comme boussole
Entre mysticisme et quête de sens, Sal Paradise et ses amis entreprennent de traverser les Etats-Unis sans moyens et sans but. Optimisme forcené chevillé au corps, ils partent et repartent en quête d’abolu. Absolue liberté, comme rempart à la monotonie et au désenchantement de la vie :
On est restés allongés sur le dos, à regarder le plafond, et à se demander où Dieu avait voulu en venir quand Il avait créé la vie si triste, si désenchantée.
Les errances de Sal Paradise et de Dean Moriarty sont donc des odes à toutes les formes de Liberté. Liberté de pensée, liberté sexuelle, évasion par les narcotiques aussi, et par l’affranchissement des conventions sociales.
Un jour, toi et moi, on longera les ruelles au coucher du soleil et on ira faire les poubelles. – On finira clodos, tu veux dire ? – Pourquoi pas mec ? Bien sûr qu’on finira clodos si ça nous chante. Y a pas de mal à finir ça.
Partie 4, Chapitre 1
Mais à la fin du livre, on a traversé la vie comme on traverse les Etats-Unis sans le sou. En long, en large et en travers, sans s’en rendre compte, sans rien en attendre mais toujours avec espoir…
Non mais regarde-moi-les, les autres, devant…Ils s’inquiètent, ils comptent les kilomètres, ils se demandent où ils vont se coucher ce soir, et combien il faut pour l’essence, quel temps il va faire et comment ils vont y arriver… alors que, de toutes façons, ils vont y arriver, tu vois. Mais il faut qu’ils s’en fassent, ils seront pas tranquilles tant qu’ils n’auront pas trouvé un tracas bien établi et répertorié; et quand ils l’auront trouvé, ils prendront une mine de circonstance, un air malheureux, un vrai-faux air inquiet, et même digne, et pendant ce temps-là la vie passe, ils le savent bien et ça AUSSI ça les tracasse indéfiniment.
La quête de sens, désespérément
Sal Paradise et ses acolytes se lancent dans de longs voyages trans-continentaux, tant par fuite du déterminisme qu’en quête de sens. Perpétuellement sur le départ, ils ne restent plus de quelques jours dans une ville que par dépit, puis le démon de la route les reprend. Entre errances, spleen, défonce et orgies, Sal et Dean cherchent les réponses à LA seule question qui tienne.
La seule chose après laquelle nous languissons durant notre existence, qui nous fait soupirer et gémir et souffrir toutes sortes de doucereuses nausées, c’est le souvenir de quelque félicité perdue que l’on a sans doute éprouvée dans le sein maternel et qui ne saurait se reproduire ( mais nous nous refusons à l’admettre ) que dans la mort. Mais qui souhaite mourir ?
Partie 2, Chapitre 4
Ce mode de vie nomade, sans planification et dans le dénuement est pour eux l’affranchissment ultime et la matrice d’un monde nouveau qu’il est ainsi permis de penser, libéré des containgences de l’Amérique puritaine.
Ils descendaient les rues en dansant comme des clochedingues, et je me traînais derrière eux, comme je l’ai fait toute ma vie derrière les gens qui m’intéressent, parce que les seuls êtres pour moi sont les fous, ceux qui vivent comme des fous, qui parlent comme des fous, ceux qui sont fous pour être sauvés, ceux qui sont désireux de tout à la fois, ceux qui jamais ne bâillent ou ne débitent un lieu commun, mais qui au contraire brûlent, brûlent, brûlent, comme les fabuleuses chandelles romaines des feux d’artifices, qui éclatent en formant des araignées jaunes à travers les étoiles, et au beau milieu, vous voyez soudain le bleu du bouquet final et tout le monde fait « Aaah ! »
L’emblême de la contre-culture dans années 1950-60
Ce roman participe à fonder un nouveau mouvement artistique, celui de la Beat Generation. Il se nourrit des écrits de Jack Kerouac et de ses amis Allen Ginsberg (Carlo Marx dans le livre) et William Burroughs (Old Bull Lee) à la fin des années 1940.
Dans leur esprit, beat signifie « être à la rue, battu, écrasé, au bout du rouleau ». C’est aussi le rythme, rythme de la musique, du voyage et de la vie. Le mouvement Beat est une ode à la liberté, aux grands espaces, aux formes de créations des milieux underground des grandes villes. Autant d’éléments qui ouvrent sur une forme de résistance à la société puritaine et main stream des 50’S.
Les fous, les marginaux, les rebelles, les anticonformistes, les dissidents…tous ceux qui voient les choses différemment, qui ne respectent pas les règles. Vous pouvez les admirer ou les désapprouver, les glorifier ou les dénigrer. Mais vous ne pouvez pas les ignorer. Car ils changent les choses. Ils inventent, ils imaginent, ils explorent. Ils créent, ils inspirent. Ils font avancer l’humanité. Là où certains ne voient que folie, nous voyons du génie. Car seuls ceux qui sont assez fous pour penser qu’ils peuvent changer le monde y parviennent.
Une écriture singulière
Le succès de ce livre ne tient pas seulement à l’écho qu’il a eu dans les milieux libertaires américains mais aussi à l’écriture unique de Kerouac. Certaines phrases sont construites telles de la dentelle, frappées du sceau de l’éclair de génie. Kerouac joue et distord les mots et la grammaire, au service du sens. Son écriture est directe, très rythmée, souvent vulgaire. Elle sert le besoin d’aller droit au but mais toujours de façon poétique.
Holy flowers floating in the air, were all these tired faces in the dawn of Jazz America.
[Des fleurs sacrées flottaient dans l’air, étaient tous ces visages fatigués à l’aube de l’Amériqque du Jazz.]
Partie 3, Chapitre 4
Le roman comporte également de sensibles descriptions de paysages ou de l’espace-temps qui s’étire le long de la route.
A travers les champs se trouvaient des tentes, et au-delà les champs de coton bruns sereins qui s’étendaient à perte de vue jusqu’aux pieds des collines brun arroyo et ensuite les Sierras encapuchonnées de neige dans l’air bleu du matin.
Partie 1, Chapitre 13
Avis et Note :
Note 4/5 : Une lecture âpre mais d’une absolue beauté
Il ne faut pas s’y tromper, la lecture de ce roman est requiert temps et courage. Le lecteur est déstabilisé par les tournures de phrases biscornues et les envollées de plusieurs dizaines de lignes sur d’infimes détails. De même, la répétition des départs, des trajets et des décisions douteuses des personnages peuvent facilement venir à bout de la patience du lecteur.
Toutefois, la quête de sens de Jack Kerouac résonne fort aux oreilles du lecteur du XXIème siècle. Les désillusions, le rejet du modèle dominant de société, la quête d’absolu et de mysticisme y sont tout à fait transposables.
Ils peuvent produire des habits qui durent pour toujours. Ils préfère faire des produits bons marchés pour que tout le monde doivent continuer à travailler et à repousser les horaires, à s’organiser en syndicats maussades et à se débattre pendant que la grande empoignade se joue à Washington et à Moscou.
Partie 2, Chapitre 6
Enfin, les magnifiques morceaux de littérature offerts par Kerouac dans ce roman suffisent à mon sens à se lancer dans ce voyage effréné.
Découvrez également la version cinématographique de Sur la Route adaptée par Walter Salles en 2012.
Pour en savoir plus sur l’adaptation en film de Sur la Route, cliquez ici.
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